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Je n’ai découvert mon pays, le Maroc, que très tard. Mes parents ont commencé à nous y emmener en vacances que passée l’adolescence. Autant dire que j’y étais complètement étrangère. Après mes études j’ai eu l’envie d’aller voir par moi-même. Je suis partie enseigner là bas. J’y suis restée 10 ans et je m’y suis même mariée. La plus grosse erreur de ma vie, soit dit en passant. Mais bon, comme je dirais à un élève, c’est hors sujet, là.
Pendant nos escapades estivales avec nos parents, nous avions découvert la campagne marocaine où vivaient quelques membres de la belle famille de mon père. Des gens formidables. L’authenticité même. Notre arrivée était relayée dans tous le village et les gens venaient nous souhaiter la bienvenue autour de verres de thé et de petits gâteaux qu’ils ne manquaient pas d’apporter.
La sociabilité était pour eux un style de vie, voire de survie. Ils étaient trop pauvres que pour louer une moissonneuse-batteuse pour récolter et engranger le blé quand venait l’été (si, si, c’était bien au 20ème siècle !) ou engager des ouvriers agricoles.
Alors, à mon grand étonnement, j’ai découvert des pratiques d’un autre siècle. Cédant à mon romantisme littéraire, je m’imaginais dans les pages de Tess D’urbeville, de Thomas Hardy !
Le village entier, dès l’aube pour éviter les grosses chaleurs, se portait au chevet d’un de ses membres. Toutes les familles se réunissaient et travaillaient sur les terres d’un voisin jusqu’à ce que tout le labeur soit fini. Nous les vacanciers restions à la maison à les attendre. Moi, je m’éclipsais pour les rejoindre. J’admirais tous ces dos courbés, faucille en main s’agitant aux sons de chants repris en cœur. Parfois une femme y allait de son moual, longue litanie à laquelle je ne comprenais rien mais qui donnait le frisson.
Lorsque les champs étaient terminés, le propriétaires donnait chez lui une grande fête où tous étaient conviés. Là aussi solidarité, chacun apportait un met qu’on partageait pour éviter d’incommoder l’hôte.
Les villageois s’accordaient quelques jours de répit et ils reprenaient le travail chez un autre voisin. A la fin de la saison, tout devait être fait et ils s’organisaient en fonction.
Autre chose d’incroyable pour moi citadine du béton : lorsque nous prenions le thé dans la terrasse près des vaches et des moutons, des personnes venaient à passer au loin. Il leur parvenait aux oreilles (parce que moi je n’entendais RIEN !) des sons infimes de voix. Ma famille reconnaissait chacune des personnes et localisait exactement l’endroit où elle se trouvait. Magique ? Non. Tous les sens sont sollicités continuellement et aiguisés. Un truc de ouf comme diraient mes enfants !
Aujourd’hui, à l’avènement de la télévision satellites et des téléphones portables, nous ne prenons plus le thé sur la terrasse parce que c’est l’heure du feuilleton turque ou mexicain, c’est selon. Le village s’est dépeuplé, les jeunes ayant tous cédés à l’appel de l’eldorado espagnol (qui ne les a d’ailleurs jamais appelés). Les vieux, par la force des choses, sont restés mais plus personnes ne travaillent sur les champs d’autrui. Les maisons tombent en ruine. Les chemins, autrefois pleins de chants, de filles et de garçons osant se regarder timidement en allant chercher de l’eau à la source, sont déserts. Ah non, pas tout à fait : quelques bambins assis pieds nus dans la poussière, morve au nez sont plongés dans la PS2 que le grand frère leur a envoyée. Personne ne m’a vu passer…
Salam ayasofia,
Tu écris très bien, tu as ton propre style, un style agréble à lire, tu décris avec art et manière la vie des émigrés marocains, l'hospitalité dans la campagne,l'esprit de groupe, la solidarité et l'entraide des villageois dans les travaux des champs ......bref un très beau texte relatif à la sociabilité.
Hélas!!!nous devenons de plus en plus individualistes, chacun a ses propres tendances, ses désirs, ses ami e s ,.....Ah!!!cette satanique technologie: chacun prends sa dose quotidienne et parfois même une over-dose de son smart-phone, tablette, Pc......
On ne mange presque pas en famille: les horaires des parents et des enfants sont différents, les petits restos poussent comme des champignons........
Malheureusement, certains préfèrent téléphoner à leur ami e s qu'à leur frère ou soeur...la vie a complètement changé :sifle: :sifle: :sifle: :sifle: :sifle: :sifle:
Merci
Choukran Ayasofia, ana farhan bik wa ahib bezzaf maghrib wa belgika, boussa kbira
Merci Younes, tu me fais rougir avec tes compliments. Je suis obligée de faire preuve d'humilité car je n'ai pas grand mérite. J'aime écrire et je suis éperdument amoureuse des livres.
Au plaisir de lire tous les amis BA
C'est vrai que tu écris super bien Aya 🙂
Ton texte est beau comme un tableau de Millet 🙂
Si j'écris ça c'est parce que c'est sûr que comme tu le décris cette sociabilité est tentante , ça donne envie comme le calme de " L'angélus" donne envie mais ...
Le travail à l'époque était super pénible , ils chantaient , c'est sûr ..mais les esclaves noirs chantaient aussi " nobody knows the trouble I've seen "
La technologie a libéré l'homme d'un travail super aliénant , les canalisations d'eau potable ont remplacé la corvée d'aller plusieurs fois par jour chercher l'eau au puits et les machines à laver , celle du travail épuisant des lavandières ...
Après , c'est sûr qu'on cultive l'individualisme, que tout y concoure et qu'il est important d'y être éveillé ..mais tout n'est pas à jeter dans les nouvelles technologies 🙂
Oui , la vie a changé mais pas rien qu'en négatif
L'homme est-il plus seul aujourd'hui qu'hier fondamentalement ?
"J'ai des questions à toutes vos réponses "
W. Allen
Coucou à tous
Je viens de lire ton commentaire Cori. Mille mercis pour ce que tu dis quant à l’écriture. Millet !!! Bon sang !
J’ai toujours rêvé d’écrire un jour (chuuut … le dis à personne) mais je ne me sens pas à la hauteur de tout ce que je lis. Lire est à chaque fois un bonheur, mais ça me remet aussi les pieds bien sur terre ferme. « Toi, écrire, ma grande, oublie ! » Et j’oublie jusqu’à la prochaine démangeaison. Mais bon, « madame, hors sujet, encore une fois ! ».
Pour en revenir à ce que tu as écris, tu prêches une convertie, pour utiliser un vocabulaire ambiant et d’actualité.
Dans le village que je décris, depuis grâce au progrès (et aux sous de l’ Union Européenne) les habitants ne doivent plus suer sur les routes escarpées pour aller en ville proposer leurs produits au marché et les enfants, filles et garçons, vont à l’école secondaire voire plus loin grâce à la route asphaltée enfin construite.
D’un coup de téléphone portable on appelle le taxi pour emmener d’urgence un malade ou une femme qui connait un accouchement à risque. Je me souviens, un été, d’une pauvre jeune femme qui avait souffert des jours et des jours (on l’entendait crier de chez nos hôtes !) parce que le bébé se présentait par le siège. Elle en a réchappé, le bébé aussi, mais à quel prix !
Je me souviens encore, à l’époque , la dame chez qui nous étions se réveillait à l’aube pour sortir le bétail et aller péniblement puiser l’eau qu’elle chargeait sur une mule. Pour nous c’était délicieusement exotique. Pour elle, je doute… D’autant que la corvée d’eau (c’était bien de ça qu’il s’agissait) incombait exclusivement aux femmes et petites filles.
Aujourd’hui, d’abord des puits ont été creusés partout pour rapprocher l’eau des lieux habités. Ensuite les maisons ont pu bénéficier directement de l’eau potable. Nous citadins, qui ouvrons ostensiblement le robinet dans nos cuisines et salles de bain, ne mesurons pas notre privilège quotidien et n’hésitons pas à en abuser, par ailleurs.
Autre merveille : l’électricité (si… si.. 21ème siècle). Qui s’émerveille de pousser sur un interrupteur ! Aujourd’hui, on peut avoir une machine à laver, un frigo (la viande était systématiquement séchée) et ne pas devoir quotidiennement « monter » ( c’est le terme utilisé. Verbe qui n’est pas anodin !) à la ville péniblement pour se ravitailler en denrées alimentaires, huile d’éclairage ou autres.
D’un autre point de vue, exit le lait frais de la traite du matin, le beurre et les œufs frais. Tout est vendu pour survivre. Sur les tables sont apparus les « bijoux » de l’industrie agro-alimentaire. De la sous-alimentation, passage sans transit vers la malbouffe. Pour la première fois je vois dans le village des enfants obèses !!! Avant, c’était pour eux un signe de richesse. Aujourd’hui c’est un signe de grosses dépenses médicales pour les familles encore plus pauvres.
Grâce aux satellites, la télévision a ouvert les esprits. Les jeunes découvrent le monde et se posent des questions du style « pourquoi eux et pas nous ? ». Des ambitions se créent, des désirs. Des œillères tombent. Bien qu’aujourd’hui il y en ait d’autres plus énormes qui tentent de prendre leur place.
Internet a changé la donne. Et même si le printemps arabe n’a pas tenu ses promesses, des choses se passent, bougent. Ce qui était inconcevable il y a encore quelques années. Le hic c’est que c’était l’occasion aussi pour fanatique de tous poils de se rendre compte que Internet est réellement un vecteur de changement plus efficace que n’importe quel discours politique, religieux ou autres. Et on assiste à des envolées hollywoodiennes dans des lancements de propagande dignes des plus grands studios et des plus fins connaisseurs en matière de communication à grande échelle. D’où la difficulté pour nous parents de protéger nos enfants, non pas en les cachant sous nos jupes mais en décryptant avec eux, en analysant les discours en cherchant, non pas l’anguille, mais les serpents silencieux sous la toile. Ce qui n’est pas une mince affaire puisque cela suppose de connaître cette « arme de destruction massive » que peut se révéler être internet à côté de tous ses bienfaits indéniables.
Rejeter le progrès est à mon sens une absurdité. C’est rejeter son quotidien, puisque c’est bien de ça qu’il s’agit.
Il reste malgré tout indéniable (je parle du village en question) que l’individualisme a fortement progressé. Aujourd’hui les querelles pour des lopins de terre, des servitudes, des héritages et j’en passe, sont légion. Les habitants ne se consultent plus, l’intérêt commun est passé aux oubliettes, le « diviser pour mieux régner » est omniprésent. Chaque litige est récupéré par telle ou telle mouvance politique. Les élections deviennent des moments « très chauds » où il est presque dangereux de se promener dans les chemins selon que vous soyez de telle ou telle couleur politique.
Bref, je ne suis pas une nostalgique encore moins une angélique.
Juste une incorrigible romantique !
Bisous à tous et surtout (ben oui j'avoue j'ai une chou chou) à toi Cori. 😉
awwww .. merci aya 🙂
Hosanna quand on le lit … on sait que ça veut dire " sauve maintenant " ou " donne le salut " mais est-ce par hasard que phonétiquement .. on entend « ose Anna « ? Est-ce le sens caché du salut ? Oser ?
Je ne suis pas trop dans le hors sujet si je dis que je pense que le sentiment de " n’être pas à la hauteur " est aussi une sorte de conséquence par ricochet de l’individualisme … en contre attaque il y a le respect des droits de l’homme … alors qu’on nous enseigne , DDDDH en fanion , qu’il nous faut respecter les différences .. on nous instille de facto qu’il y en a des différences .. nous incitant ipso facto à comparer … et donc nous sommes sans cesse à nous comparer …. sur tous les plans ...
…ton style ne sera pas celui de Proust ou de Hesse .. c’est tout .. il sera le tien avec ses particularités .. nous ne sommes pas différents ,je le crois , nous sommes particuliers .. 😀
Reste que … quand tu soumets à la vue , à la lecture , à l’ouie, quelque chose que tu crées … tu te soumets aussi à la critique .. comme s’y soumet toute personne qui se "démarque " … et c’est pas toujours facile à entendre la critique …
Je partage ton point de vue … l’ouverture au monde , la scolarité .. toussa , font de nous des " Hommes " davantage debout .. c’est vrai aussi que parfois la servilité a été remplacée par une autre
Diviser pour mieux régner … c’est pourtant pas nouveau .. c'est vieux comme la civilisation … juste on s’y prend autrement
Je suis en accord avec toi quand tu dis qu’aujourd’hui il s’agit d’être vigilant et de décrypter .. et que c’est pas facile tant rien que la " toile " est tentaculaire … trouver , retrouver les sources relève du nettoyage des écuries d’Augias , croiser et recroiser des infos quand elles arrivent de partout , tout le temps c’est herculéen voire utopique .. . et c’est aussi d’autant plus compliqué de décrypter qu’à l’ère du politiquement correct, on ne prend plus " les mots qu' avec de gants", plus que jamais le vocabulaire est imprécis , surtout dans le vocabulaire politique .. on écoute , on lit et chacun comprend ce qu’il veut ou comprend rien tant les mots sont diffus pour ne pas choquer , pour respecter l’autre , pour tous les motifs bienveillants dont on nous bassine .. ce faisant on respecte pas l’élémentaire dans un discours qui est de se faire comprendre avec précision .. et c’est ainsi qu’on règne .. je pense …. " Lorsque les mots perdent leur sens , les hommes perdent leur liberté "
"J'ai des questions à toutes vos réponses "
W. Allen
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