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Hommage à Loius de funes

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Louis de Funès, de son nom complet Louis de Funès de Galarza, est un acteur français né le 31 juillet 1914 à Courbevoie et mort le 27 janvier 1983 à Nantes.

Ayant joué dans plus de cent quarante films, il est l'un des acteurs comiques les plus célèbres du cinéma français de la seconde moitié du xxe siècle et réalise les meilleurs résultats du cinéma français, des années 1960 au début des années 1980. Il réalise également les meilleures audiences télévisées. Très peu récompensé, il reçoit toutefois un César d'honneur pour l'ensemble de sa carrière en 1980.

Après presque vingt ans sur les planches ainsi que devant les caméras dans de nombreux seconds rôles, il impose son personnage de Français moyen impulsif, râleur, au franc-parler parfois dévastateur, aux verbigérations et mimiques parfois muettes. C'est dans les années 1950 qu'il se fait connaître tardivement du public avec La Traversée de Paris (1956), ses premiers rôles principaux et le triomphe au théâtre d'Oscar. Dans les deux décennies qui suivent, on le retrouve dans une suite de succès populaires, parmi lesquels : Pouic-Pouic (1963), Le Gendarme de Saint-Tropez (1964) et ses cinq suites, la trilogie Fantômas (1964 à 1967), Le Corniaud (1965), Le Grand Restaurant et La Grande Vadrouille (1966), Oscar et Les Grandes Vacances (1967), Le Petit Baigneur (1968), Hibernatus (1969), Jo et La Folie des grandeurs (1971), Les Aventures de Rabbi Jacob (1973), L'Aile ou la Cuisse (1976), La Zizanie (1978) et La Soupe aux choux (1981). Il a également participé à l'écriture de quelques scénarios de ses films et co-réalisé L'Avare avec Jean Girault en 1980.

Outre la France, les films de Louis de Funès ont connu un grand succès dans divers pays européens, et notamment en Russie, du temps de l'URSS. Sa popularité ne s'étendra que très peu dans le monde anglo-saxon, à l'exception du succès outre-Atlantique de Rabbi Jacob, nommé pour un Golden Globe en 1975. Le souvenir de l'acteur est entretenu par deux musées : le musée Louis-de-Funès à Saint-Raphaël et le musée de la Gendarmerie et du Cinéma, dans l'ancienne gendarmerie de Saint-Tropez.Louis de Funès est issu d'une famille castillanea du côté de son père, Carlos Luis de Funes de Galarza (Séville, 1871 — Malaga, 19 mai 1934b). Sa mère Leonor Soto Reguera (Ortigueira, 21 janvier 1878 — Montmorency, 25 octobre 1957cit. 1) est de famille bourgeoise, son propre père étant un grand avocat de Madrid. Les deux amoureux arrivent en France d’Espagne en 1904 après que Carlos a enlevé Leonor, dont les parents s'opposaient tout d'abord à leur union (ils accepteront plus tard de la doter confortablementc). Né le 31 juillet 1914cit. 2, Louis est leur troisième enfant, les deux aînés étant Marie (Maria Teolinda Leonor Margarita, Courbevoie, 20 juillet 1907 — Paris, 28 octobre 1993), mariée en secondes noces avec le réalisateur François Gir, et Charles (Carlos Teolindo Javier, Courbevoie, 12 septembre 1908 — Rethel, 20 mai 1940), soldat au 152e régiment d'infanterie, mort pour la France « fauché par une mitrailleuse allemandeb ».

Le père, Carlos, personnage un peu fantasquecit. 3, ne peut plus exercer sa profession d'avocat depuis son installation en France et s’improvise alors diamantaire. Mais au début des années 1930, il fait croire à son suicide et part au Venezuela, « dans l'espoir de faire prospérer ses affairesd ». Son épouse apprenant le subterfuge va le chercher et l'en ramène rongé par la tuberculose. Il meurt seul et ruiné en Espagne en 19341.

Leonor, avec son fort caractère, est aussi une source du sens de la comédie de Louis, son premier « professeur de comédie » : « Il arrivait à ma mère de me courser autour de la table en criant “Yé vais té touer”. Dans sa façon d’être et d’agir, elle possédait, sans le savoir, le génie des planchese ». Elle lui donne également ses premières leçons de piano à l’âge de 5 ans2.

Le jeune Louis passe son enfance à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne), où il fréquente l'école du Centre. À dix ans, Louis de Funès entre au collège Jules-Ferry de Coulommiers, un établissement austère, où son frère est déjà pensionnaire, avec quatre uniques sorties par anf. Rêveur, indiscipliné et taciturne, son physique malingre, son nez allongé et son regard apeuré en font le souffre-douleur de ses camarades du pensionnat. Pendant les trois ans d'internat, où il apprend l'adversité et la méchanceté de ses professeurs, « il ne s'anime que pour dessiner, pêcher à la ligne et faire rire ses petits camaradesg ». En 1930, à 16 ans, après des études secondaires moyennes au lycée Condorcet et sur les conseils de son frère, devenu fourreur, Louis de Funès entre à l’École professionnelle de la fourrure, située près de la place de la Bastille, mais il en est renvoyé pour chahutd. Il travaille ensuite chez plusieurs fourreurs, exerce successivement différents métiers (comptable, étalagiste, décorateur)h, mais ses renvois systématiques et la lassitude de ses frasques professionnelles conduisent ses parents à l’inscrire, en 1932, à l’École technique de photographie et de cinéma, située à deux pas de son domicile, où il choisit la section cinémai. Dans les cours, il a notamment pour condisciple Henri Decaë, bien plus tard directeur de la photographie sur plusieurs de ses films.

« Louis de Funès était quelqu'un qui n'était pas expansif à la ville. Chaque fois que nous nous rencontrions pour un nouveau film, il me redisait quelques formules chimiques apprises à l'ETPC vingt ou trente ans auparavant, en 1933, dont ce nom de produit qui le faisait hurler de rire, « hyposulfite de soude ». Ceci en imitant le professeur strict qui nous en enseigna les propriétés... C'était comme une connivence entre nousj ! »

— Henri Decaë

Finalement, il est renvoyé pour incendie volontairek. Commence alors un cycle de périodes de chômage et d’emplois d’où il finit toujours par se faire renvoyerl. Son fils Olivier de Funès explique : « Après avoir abandonné ses études secondaires, mon père avait exercé toutes sortes de petits métiers. Je me demande s'il ne les enjolivait pas un peu dans ses interviews car à la maison il n'en parlait jamais »l.

Premiers pas sur scène
En 1942, à l’âge de 28 ans, il décide de devenir comédien, et s’inscrit au cours Simon, réussissant son concours d’entrée grâce à une interprétation d’une scène des Fourberies de Scapin, de Molièrem. Même s’il n’y fait qu’un court passagen, il croise dans le cours d'autres apprentis comédiens, comme Daniel Gélin, qui lui permet de débuter plus tard dans la pièce L'Amant de paille de Marc-Gilbert Sauvajon.

« Un hasard prodigieux. Je descendais d’un wagon de première dans le métro et Daniel Gélin, déjà croisé au cours René-Simon, montait dans un wagon de seconde. La porte allait se refermer lorsqu’il me crie : « Téléphone-moi demain. J’ai un petit rôle pour toim ». »

— Louis de Funès

Daniel Gélin donnera cependant une version un peu différente de leur rencontre sur le quai de métro dans son autobiographieo. À côté de quelques petites figurations théâtrales, l’acteur se démène pour gagner sa vie grâce à ses activités de pianiste de jazz, donnant parfois des cours le jour, puis jouant la nuit à travers le Paris nocturnep.

En 1945, toujours grâce à Daniel Gélin, que de Funès surnommait « Ma Chance » lorsqu'il le croisaitq, il débute au cinéma, âgé de plus de trente ans, dans La Tentation de Barbizon, de Jean Stelli. Dans le petit rôle du portier du cabaret Le Paradis, il prononce sa première réplique à l'écran en voyant un client (interprété par Pierre Larquey) qui essaye de passer à travers une porte fermée : « Ben, il a son compte celui-là, aujourd’hui ! » L'acteur enchaîne dès lors silhouettes, figurations et petits rôles. Quelquefois, il incarne même plusieurs personnages dans un même film, comme pour Du Guesclin de Bernard de Latour, en 1948, où il tient tour à tour les rôles de mendiant, de chef de bande, d'astrologue et de seigneur3. En 1949, il joue dans Pas de week-end pour notre amour, une comédie conçue autour du ténor-vedette de l'époque, Luis Mariano ; de Funès y tient le rôle secondaire du domestique-pianiste du baron (joué par Jules Berry), ce qui lui permet d'accompagner à l'écran des airs d'opérettes et autres morceaux de facture classique, mais également de jazzn 1.

Ascension
En 1950, il est pianiste-comédien dans la troupe Les Burlesques de Paris de Max Révol lorsque Sacha Guitry lui confie plusieurs petits rôles, notamment dans La Poison (1951), Je l'ai été trois fois (1952), Si Paris nous était conté (1955) et surtout La Vie d'un honnête homme (1953), où il a un rôle un peu plus consistant de valet de chambre « obséquieux et fourbe, presque inquiétant l'espace d'un planr ». Dans ce film, son personnage s'affine un peu plus — « il apparaît « au naturel », sans grimace ni moustacher » — et il est associé pour la première fois à Claude Gensac. En 1952, il rejoint la troupe des Branquignols dirigée par Robert Dhéry, bien que les circonstances de la rencontre entre de Funès et Dhéry varient considérablement en fonction des auteurs. Il y apparaît d’abord dans la revue Bouboute et Sélection.

« En 1952, mon père jouait La Puce à l'oreille de Feydeau [...]. À la fin de la représentation, mon père courait au petit théâtre Vernet [...] pour apparaître dans le premier sketch de Bouboute et Sélection [...] puis, il reprenait le métro pour rejoindre le cabaret où il incarnait un clochards »

— Olivier de Funès

En 1953, on le remarque, aux côtés de Jean Marais et de Jeanne Moreau, dans le rôle de M. Triboudot, le photographe dans Dortoir des grandes d’Henri Decoin. Puis il officie dans Ah ! les belles bacchantes en 1953. Cette revue obtient un grand succès4 — deux années de représentations — et contribue à le faire connaîtrecit. 4. De plus, intégré dans une troupe dédiée au comique, l’acteur, influencé par le jeu de Maurice de Féraudyu, va perfectionner sa technique. Il tourne ses premiers films en couleurs l’année suivante dans l’adaptation à l’écran du spectacle par Jean Loubignac, mais aussi dans La Reine Margot de Jean Dréville, tourné avant, mais sorti en salles après. Cette même année, il joue face à Fernandel dans Le Mouton à cinq pattes d’Henri Verneuil et pour la première fois face à Bourvil dans Poisson d’avril de Gilles Grangier. Jean-Paul Le Chanois, après lui avoir confié deux petits rôles dans Sans laisser d'adresse (1951) et Agence matrimoniale (1952), lui offre le second rôle de M. Calomel dans la comédie populaire à succès Papa, maman, la bonne et moi (1954) et sa suite Papa, maman, ma femme et moi (1956). Courant les cachets, il tourne en 1954 pas moins de dix-huit films dans lesquels il n'obtient que des seconds rôlesv.

Louis de Funès dans Toto à Madrid (1959).
En 1956, il obtient un début de reconnaissance5 au cinéma dans La Traversée de Paris, de Claude Autant-Lara, où il joue l’épicier Jambier. Il s’impose avec force face à Jean Gabin et Bourvil, dans une prestation de quelques minutes au cours de laquelle il dessine en quelque sorte son futur personnage6 : lâche devant « le fort » (Jean Gabin) et colérique devant « le faible » (Bourvil). Même si le film a atteint aujourd’hui le statut de film culte, il connaît à sa sortie un succès public pour son « discours continûment ambivalentw ». Dès l’année suivante, Maurice Regamey lui offre son premier rôle principal dans Comme un cheveu sur la soupe. Son interprétation d'un compositeur suicidaire vaut à l’acteur le Grand Prix du rire 1957, sa première récompense et le film, « petite production sans prétention, qui aurait dû passer inaperçue, [...] tient l'affiche de très longues semainesx. » Toujours en 1957, il est la tête d’affiche de Ni vu, ni connu, d’Yves Robert, dans le rôle du braconnier Blaireau. Accompagné de son chien Fous le camp, cet « avatar rural de Guignoly » brave toutes les formes d'autorité et finit toujours par échapper au garde-chasse. Le film est un beau succès à sa sortie et vaut à l'acteur quelques articles laudateurs dans la presse, à l'instar de l'hebdomadaire France Dimanche, qui, dans son numéro du 20 septembre 1957, titre à la une :

« Louis de Funès, l'acteur le plus drôle de Francez »

— France Dimanche

Il tient encore un rôle principal en 1958 dans Taxi, Roulotte et Corrida, d’André Hunebelle. Ce film, tourné en Espagne, connaît un certain succès avec 2,542 millions d’entrées. Pourtant, la progression de sa carrière au cinéma marque une pause, et l’acteur va retourner à des films ou des rôles moins importants pour quelque temps.

Deux rôles décisifs
C’est d’abord au théâtre que la carrière du comédien va connaître une nouvelle accélération. Depuis ses débuts, l’acteur ne s’est jamais éloigné des planches et il reprend notamment, en 1957, aux côtés de Danielle Darrieux et Robert Lamoureux, le rôle créé par Raimu dans Faisons un rêve de Sacha Guitry. Le biographe de l’auteur, Jacques Lorcey, note : « Ce sera la dernière grande joie de notre Sacha [Guitry]. [...] Ce succès, obtenu par des vedettes tellement différentes des créateurs lui apporte la certitude que son théâtre lui survivraaa. »

En septembre 1959 pour les tournées Karsenty, il débute les répétitions d'Oscar, une pièce de Claude Magnier créée à Paris l'année précédente avec Pierre Mondy et Jean-Paul Belmondo. À partir du 1er octobre, commencent les cent jours d’une tournée en province et en Afrique du Nord. Le succès est tel qu'on lui propose de reprendre la pièce à Paris en janvier 1961. D’abord hésitant, il accepte finalementab. La pièce est un énorme succès, et sur scène, il multiplie les improvisations et les prouesses physiques :

« Louis [de Funès] était carrément génial dans Oscar. Génial d'invention, de burlesque. Il avait amélioré le rôleac. »

— Pierre Mondy, créateur du rôle repris par de Funès.

L’acteur reprendra « ce rôle fétiche » dans l’adaptation cinématographique de la pièce réalisée par Édouard Molinaro en 1967, puis à nouveau sur scène au début des années 1970 dans une mise en scène de Pierre Mondy.

En parallèle, il continue à tourner au cinéma comme en 1961 dans un petit rôle de barman dans Le crime ne paie pas, le troisième film réalisé par Gérard Oury. Lors du tournage, alors qu'il tient le seul rôle comique du film, de Funès essaie de convaincre le réalisateur qu'il est fait pour tourner des films comiques : « Quant à toi, tu es un auteur comique, et tu ne parviendras à t'exprimer vraiment que lorsque tu auras admis cette vérité-làad. » La même année, il tient le double rôle des jumeaux Viralot, l'un chef du personnel et l'autre commissaire, dans La Belle Américaine de Robert Dhéry. L'année suivante, il incarne un restaurateur colérique et cupide face à Jean Gabin dans Le Gentleman d’Epsom de Gilles Grangier. En 1963, il retrouve la tête d’affiche avec Jacqueline Maillan dans Pouic-Pouic, l’adaptation par Jean Girault de la pièce de boulevard Sans cérémonie, qu’il avait écrite avec Jacques Vilfrid. De Funès avait participé à la création de la pièce en 1952 — il tenait le rôle du maître d’hôtel incarné par Christian Marin dans le film — mais la pièce n’avait pas connu le succès. Finalement, malgré cet insuccès et les difficultés rencontrées par le réalisateur auprès des producteurs pour monter le projet autour de l'acteurae, ce film lui permet de retrouver un large public et marque le départ de la seconde partie de sa carrière qui ne verra plus sa popularité fléchir.

Dans Oscar comme dans Pouic-Pouic, de Funès incarne un homme aisé et irascible, ayant des difficultés avec sa progéniture : il décline son « personnage fétiche inspiré du Pantalon » de la commedia dell'arteaf. Il a alors créé son personnage comique : colérique, autoritaire, grimaçant, tout en énergie et « a gommé certaines outrances qui le parasitaient dans les années 1950ag. »

Consécration

Louis de Funès dans Les Bons Vivants (1965).
Pouic-Pouic où de Funès incarne un boursicoteur harcelé par les histoires de famille et les péripéties domestiques, marque aussi le début de sa collaboration avec le réalisateur Jean Girault, également musicien7, qui le fera jouer dans douze films : Pouic-Pouic (1963), Faites sauter la banque ! (1964), la série des Gendarme (six films entre 1964 et 1982), Les Grandes Vacances (1967), Jo (1971), L'Avare (1980) et La Soupe aux choux (1981). Malgré les réticences des producteurs qui auraient préféré Darry Cowl ou Francis Blancheah, Girault impose de Funès dans le rôle de Ludovic Cruchot, le héros du Gendarme de Saint-Tropez. Le film rencontre un succès considérable et installe l’acteur en haut du box-office pour la première fois. À peine deux mois plus tard, de Funès triomphe à nouveau dans le rôle du commissaire Juve de Fantômas. Dans ce film, construit sur la double composition (Fantômas/Fandor) de Jean Marais dans le premier rôle, de Funès transfigure son personnagen 2 et éclipse ses partenaires8. Pendant que les succès populaires s’accumulent, il tourne Le Corniaud, réalisé par Gérard Oury, et où il partage l’affiche avec Bourvil. La sortie du film en mars 1965 est un nouveau triomphe (près de douze millions de spectateurs). En 1966, il joue le rôle d'un directeur de restaurant dans Le Grand Restaurant, puis d'un chef d'orchestre tyrannique de la France occupée dans La Grande Vadrouille, de nouveau avec Bourvil comme partenaire et Oury comme réalisateur. Le film connaît un succès colossal et a longtemps détenu le record du plus grand nombre de places de cinéma vendues en Francen 3 (plus de 17 millions de spectateurs).

En janvier 1967, Louis de Funès acquiert le château de Clermont, situé au Cellier en Loire-Atlantique9. Il était la propriété de Charles Nau de Maupassantn 4, époux d'une tante paternelle de Jeanne de Funès, et le couple de Funès y est souvent allé en vacances. Depuis la mort de sa tante en 1963, Jeanne de Funès avait hérité de la moitié du château en indivisionai. Les négociations auprès des six autres co-héritiers pour acheter l'autre moitié échouèrentaj. L'intégralité du domaine est finalement mise aux enchères le 25 janvier 1967aj,9. Le notaire mandaté par Louis de Funès remporte les enchères pour 830 000 francs, soit à peu près ce qu'il peut toucher pour un film à la même époqueak. Cette retraite bretonne lui permet de vivre au calme, loin des journalistes et des curieux, alors que sa vie quotidienne d'antan en région parisienne n'est plus permise depuis trois ans par sa notoriété envahissanteai,aj, n 5. De plus, il offre à son épouse le château de son enfance, elle qui a vécu ses années de galère alors qu'elle venait d'un milieu bourgeois. L'acteur se sépare de sa maison de campagne dans l'Oise et de son appartement d'été à Hyèresam. Le château, inhabité depuis six ans et délabré, nécessite deux ans de travaux et restaurationsaj.

Louis de Funès dans Le Petit Baigneur (1968).
Dans cette ère de succès où Louis de Funès est quasi-continuellement présent dans les salles, des producteurs et distributeurs peu scrupuleux tentent de capitaliser sur sa nouvelle popularité en ressortant d'anciens films où il apparaîtan. Poisson d'avril (1954) bénéficie ainsi d'une reprise, avec une nouvelle affiche sur laquelle son nom est placé au-dessus de celui de Bourvil, véritable star du film, alors que de Funès n'y est qu'un second rôlean, pour laisser croire à une nouveauté du duo du Corniaud et de La Grande Vadrouilleao. Louis de Funès s'en insurge dans un entretien au printemps 1968 : « C'est de l'escroquerie au public. Ça me rend furieux ». Il révèle d'ailleurs que le producteur du film lui doit toujours « 50 000 francs de l'époque »an. À l'été 1968, Une souris chez les hommes (1964), tourné après Pouic-Pouic et échec à sa sortie, sort sous un nouveau nom, Un Drôle de Caïd, et son affiche présente Louis de Funès comme l'unique vedette, alors que le film est mené par un trio qu'il compose avec Maurice Biraud et Dany Saval, laquelle était la véritable star en 1964ap,10. En janvier 1969, sortent en « exclusivité » Les Grands Seigneurs et Les râleurs font leur beurre, qui sont en fait les reprises sous de nouveaux titres des films Le Gentleman d'Epsom (1962), qui enregistre ainsi 500 000 entrées supplémentaires grâce à son affiche Gabin-de Funès, quelques mois après Le Tatoué11, et Certains l'aiment froide (1959)ao,aq. Aussi, à partir de 1969, Dans l'eau... qui fait des bulles ! (1961) connaît plusieurs nouvelles exploitations sous les titres Le garde-champêtre mène l'enquête, pour profiter du succès des films du Gendarme, et alors qu'il n'y a ni garde-champêtre, ni enquête dans le filmao, puis Le Poisson sifflera deux fois !12. Toujours en 1969, Les Tortillards (1960) ressort renommé Les tortillards sont là, avec le nom de l'acteur trônant au-dessus de ceux des têtes d'affiche de la sortie originale, Jean Richard et Roger Pierrear.

Le cas le plus extrême est la sortie de Totò à Madrid (1958) sous le titre Un Coup fumant : le distributeur s'offre la Une du Film français comme publicité en juillet 1968, avec une affiche où seul de Funès apparaît — avec une photo récente, et non tirée du film, sur laquelle a simplement été ajoutée une moustache comme dans le film — et où les noms des véritables têtes d'affiche Totò et Abbe Lane sont reléguées en dessous du sienap,ao. De plus, le producteur italien Lux lance une procédure judiciaire pour « rupture abusive de contrat », car il n'a pas doublé le film en français comme il était prévu à l'époqueap, et réclame 1,5 million de francs de dommages-intérêtsao. L'acteur répond en l'attaquant pour « interprétation malicieuse de contrat »ap. La justice contraint le distributeur à n'utiliser que des images d'époque dans les publicités du film et à y indiquer la véritable date d'origine, et n'oblige pas de Funès à enregistrer de doublage en françaisap. La diffusion du film est finalement prévue à partir du 24 septembre 1969 mais ne semble pas avoir eu lieuap.

Retour à Gérard Oury et au théâtre
En 1971, La Folie des grandeurs de Gérard Oury doit marquer les retrouvailles de de Funès et Bourvil, mais la mort de ce dernier interrompt le projet. Simone Signoret suggère alors le nom de Yves Montand à Ouryas, qui perçoit le potentiel du duo :

« J'avais conçu pour Bourvil un rôle de valet de comédie genre Sganarelle. Montand sera plus proche de Scapin13. »

— Gérard Oury

Le tournage démarre après quelques modifications du scénario, et le film est un grand succès avec plus de 5,5 millions d'entrées à sa sortie.

Fin novembre 1971, au théâtre du Palais-Royal, il reprend Oscar, qu’il joue presque chaque soir, avec son fils Olivier, jusqu’à septembre 1972 avec une interruption pendant l’été (Oscar est jouée plus de quatre cents fois). À partir de mars 1973, il s’investit énormément dans le tournage des Aventures de Rabbi Jacob qui sort le 18 octobre de la même année, en acceptant de danser le célèbre ballet hassidiqueat. C'est un nouveau triomphe avec plus de sept millions de spectateurs. Le lendemain, le comédien est à nouveau sur les planches à la comédie des Champs-Élysées, pour ce qui fut sa dernière apparition au théâtre. Jusqu’au 25 avril 1974, il joue presque deux cents fois la pièce de Jean Anouilh, La Valse des toréadorsau.

Grande bâtisse, de style Louis XIII, briques rouges, toit d'ardoise, trois étages, vue de loin, depuis le parc. Vue de la façade nord-ouest.
Le château de Clermont, acquis par le couple de Funès en 1967, où il se repose et jardine entre ses films.
À partir de là, il se repose au Cellier dans son château de Clermont ; il jardine beaucoup et refuse d’entreprendre quoi que ce soit en prévision du tournage très physique du prochain film de Gérard Oury, qui doit s'intituler Le Crocodile. Dans ce film, dont le premier tour de manivelle est prévu pour mai 1975, et où il prévoit de donner la réplique à Régine Crespin, Aldo Maccione et Charles Gérard, Louis de Funès doit jouer le rôle d’un dictateur sud-américain, « un petit colonel cupide, teigneux, couard avec des faiblesses : le fric, sa femme, son filsav ».

Santé fragile
Après des alertes cardiaques durant La Valse des toréadors, les assurances surveillent de près Louis de Funès, car une quelconque incapacité de remplir ses contrats les contraindrait à rembourser des sommes colossales aux producteurs montant des films sur son nomaw. À l'approche du tournage physique du Crocodile, le comédien est donc soumis à de nombreux examens médicauxax. Un cardiologue ne s'alarme pas et diagnostique des douleurs pectorales dont il s'inquiète comme de l'aérophagieax : il juge Louis de Funès en état de tourner Le Crocodile, mais lui passe son numéro personnel « au cas où… »ax,ay,az.

Photographie de l'entrée d'un hôpital, aux longs bâtiments grisâtres de deux étages depuis une rue.
L'hôpital Necker à Paris, où Louis de Funès est soigné et subit son deuxième infarctus.
Trois jours après, le 21 mars 1975 au matinn 6, dans son appartement parisien, Louis de Funès subit un premier infarctus et est transporté à l'unité de soins intensifs de la clinique cardiologique de Jean Di Matteo et André Vacheron à l'hôpital Necker, vers 7 h 30ba, où les médecins parviennent à le sauveray,n 7. Toutes les issues de l'hôpital sont bouclées pour éviter la presse et ses photographesax. Un communiqué officiel rassurant est plus tard publié, expliquant que « L'évolution de l'affaire est favorable. Un repos strict et prolongé est cependant nécessaire. Par conséquent toute visite est actuellement interdite »bb. Les médecins parlent d'un léger malaise cardiaque à la presseaz.

Le 30 mars, dimanche de Pâques, alors que son état de santé semble s'être amélioré, il perd connaissance en pleine conversation avec son épouse : victime d'un deuxième infarctus, bien plus grave, il est sauvé in extremis, le manque de personnel présent en ce weekend pascal ayant failli lui être fatalax,bb. Malgré la sévérité de ces infarctus, Louis de Funès se rétablit rapidementbc. Les cardiologues lui imposent un régime alimentaire drastique, sans graisse, sans sel, sans boisson alcoolisée ou caféinée, sans plats énergétiquesbd,be. Surtout, ils lui ordonnent d'arrêter définitivement son métierbe, pour éviter les longues journées de tournage, sources de stress, et les épuisantes performances théâtralesbf. Il accepte sans ciller ces ordres des médecinsbf.

À sept semaines du tournage, Le Crocodile est reporté, dans l'attente de son éventuel rétablissementbg. Le producteur Bertrand Javal doit essuyer des millions de francs de pertes et s'enquiert chaque jour au téléphone de son état de santébg. Les médecins consultent le scénario et le jugent trop physique pour Louis de Funès, réclamant trop de lieux de tournages différents, de scènes difficiles voire de cascadesbg. À la mi-avril, l'impression est pourtant donnée que le projet se poursuit toujours14. Jusqu'alors très amis, Louis de Funès et Gérard Oury s'éloignent progressivement l'un de l'autre, même si chacun déclare à la presse vouloir tourner à nouveau avec l'autrebd,cit. 5. Louis de Funès sort de l'hôpital Necker après deux moiscit. 6, le 21 mai, et part entamer sa convalescence dans son château, à base de lentes promenades et d'un peu de jardinageaz.

Ces infarctus sont paradoxalement pour Louis de Funès un soulagementbf. Cet éloignement forcé du cinéma fait disparaître d'un coup ses angoisses sur la qualité de ses scénarios et son succès au box-officebf. À l'hôpital, il a été étonnamment souriant et d'un bon moralbf. Durant sa convalescence, il est très calme, ce qui surprend ses prochesbf. Depuis des années, il supportait mal la dépense physique de son jeu au théâtre, le poids de porter à lui tout seul des films sur lesquels étaient investis des millions de francs, le milieu des producteurs et ses hypocrisiesn 8, la violence de la critique et la trop grande place de l'argentbf. Il accueille donc favorablement, dans un premier temps, la décision des médecins d'arrêter sa carrière de comédienbf. De toute façon, au vu de sa santé, il ne sera plus que très peu sollicitébi, étant imaginé trop diminué, voire mourant, par le milieu du cinémacit. 7.

« Je me revois dans l'ambulance. Une seconde avant, j'étais un homme crispé sur les recettes, sur les entrées, sur les contrats. Je ne connaissais que des gens d'argent qui ne pensaient qu'à l'argent. Moi, je ne parlais plus que d'argent. Et voilà que je tournais la page, d'un seul coup, définitivement. Je n'étais plus Louis de Funès, plus rien. Je savais, lumineuse évidence, que je ne me mettrais plus jamais en colère, surtout pour gagner ma vie. Ça roulait, je voyais le ciel, le haut des arbres, et j'entendais pin-pon, pin-pon. Je n'avais pas mal, ils m'avaient calmé avec de la morphine. (…) Quand ils m'ont annoncé : “il faut vous arrêter, à vie”, j'ai été ravi. Pris de légers tremblements de joie. Ah ! je vais aller voir mes carottes et mes salades ! Ah ! les petits oiseaux, la pêche à la ligne ! Le soir, tout de même, j'ai eu un coup de blues. Et puis, ça c'est terminé là. Puisque c'était fini, c'était fini. »

— Louis de Funès racontant son infartus à Danièle Heymann de L'Express, lors de la promotion de L'Aile ou la Cuisse en 1976bf,17.

Il retourne à l'hôpital Necker pour un séjour pour examens, qui s'achève début juillet 1975bg. C'est là qu'il est victime d'une tentative d'escroquerie, par la société qui produit Le Crocodilebg. Le 2 juillet, un représentant de Films Pomereu y vient lui faire signer ce qu'il présente comme « des papiers pour la compagnie d'assurances »bg. Le document est en fait un nouveau contrat, qui stipule que si Louis de Funès meurt avant la fin de l'année 1976, le producteur toucherait 6,75 millions de francs des assurancesbg. L'acteur ne se rend compte de la supercherie que quelques jours plus tard, en étudiant le double des pièces, et porte plainte pour extorsion de signature et escroqueriebg. Ces manigances finissent de le persuader qu'il est mieux qu'il s'éloigne du cinémabf. Il est annoncé plusieurs jours après qu'il ne tournera pas Le Crocodile, sur l'avis des médecinsbg.

Louis de Funès reste de nouveau pendant plusieurs mois au Cellier, à s'occuper de son jardinbf. Son régime strict l'amaigrit et l'affaiblitbj. Un ami médecin de son fils Patrick lui préconise un régime moins lourd à supporter, qui le rend en meilleure formebe. À l'automne 1975, il ré-apparaît à Paris lors de premières de théâtre ou de spectacles d'amisbf. Il commence à avoir la nostalgie de la scène et l'envie de tourner un nouveau filmbf,bk. Au cours de l'hiver, la déprime le gagnebf,bk.

Retour sur les écrans
S'il reprend la comédie, il doit néanmoins ralentir son rythme de travail et renoncer définitivement à sa carrière théâtrale, incompatible avec son étatbl. Sa carrière au cinéma est compromise car, outre sa condition physique amoindrie, les risques de rechute font que les assureurs ne veulent plus prendre le risque de le couvrir pour un film. Déterminé, le producteur Christian Fechner réussit finalement à obtenir un accord pour une assurance de onze semaines et prend le risque de produire L'Aile ou la Cuisse avec seulement une partie du tournage assurée2. Pour le grand retour de Louis de Funès, Christian Fechner aurait souhaité donner le rôle principal, celui de son fils Gérard, au nouveau comique montant du cinéma français : Pierre Richard. Mais celui-ci revient sur son accord après avoir lu le scénario 18 et c'est Coluche qui partagera l'affiche avec de Funès. Son régime drastique explique son amaigrissement, son vieillissement, son état diminué, visibles à partir de ce filmbm. Louis de Funès appréhende son comique d'une nouvelle manière, parce que, reconnaît-il « […] Je ne peux plus faire de la brutalité. Cette brutalité, cette colère est un produit que j'avais fabriqué pour un rôle et tous les metteurs en scène m'ont demandé ce produit […] Désormais, ce comique ne m'intéresse plus »2,19. Lorsque le film sort le 27 octobre 1976, le public français plébiscite son retour – avec presque six millions d’entrées. Au sujet de cette période, le biographe Bertrand Dicale conclut : l’infarctus subi par l’acteur « signe la fin d’un certain âge d’or, même si commercialement ses derniers films sont des succès absolument gigantesques »20.

Louis de Funès et le réalisateur Jean Girault tournant Le Gendarme et les Extra-terrestres près de la gendarmerie de Saint-Tropez en 1978.
Christian Fechner annonce pour 1977 un projet avec Robert Dhéry, intitulé Une pie dans l'poirier, qui ne voit jamais le jour15,21. L'acteur continue à tourner, à un rythme beaucoup moins soutenu, dans La Zizanie avec Annie Girardot en 1978 ou Le Gendarme et les Extra-terrestres en 1979. À chaque tournage, Christian Fechner impose la présence d'un service de secours, toujours proche du plateau, avec un cardiologue et une équipe de réanimation et une ambulance22.

En 1980, le comédien réalise son vieux rêve d'adapter au cinéma une pièce de Molière et d'en réaliser une version à son image. Mais L’Avare présenté sur les écrans ne rencontre qu’un modeste succès auprès du public (en 1964 déjà, il avait enregistré sur un disque 33 tours six textes de pièces de Molière, dont des extraits de L'Avare, et dix fables de Jean de La Fontaine).

Le 2 février 1980, lors de la 5e cérémonie des César, un mois avant la sortie en salles de L'Avare, Louis de Funès reçoit un César d'honneur pour l'ensemble de sa carrière23, des mains de l'acteur comique américain Jerry Lewis24. La décision de l'Académie des arts et techniques du cinéma a été influencée par le fait qu'il se soit lancé dans la réalisation d'un film et parce que le projet de L'Avare symbolise l'union attendue du théâtre classique de Molière et du cinéma comique français populaire25, déjà saluée par le ministre de la Culture Jean-Philippe Lecat lors d'une visite sur le tournagebn. Un extrait du film est projeté après que l'acteur a reçu sa récompense24,bo,bp.

En hommage à Jean Gabin, mort en 1976, Louis de Funès initie la création du prix Jean-Gabin, qui est décerné de 1981 à 2008bq.

Plus tard, un de ses fils lui conseille de lire le roman de René Fallet La Soupe aux choux qui, selon lui, a le potentiel de « faire un bon film ». Une adaptation au cinéma est tournée en compagnie de Jean Carmet et de Jacques Villeret, qui connaît un beau succès au box-office (3 093 319 entrées26).

Le Gendarme et les Gendarmettes est son dernier film.

Derniers mois
Après Le Gendarme et les Gendarmettes, de nouveaux projets attendent Louis de Funès, dont la carrière semble loin d'être terminée, bien qu'il soit affaibli. Malgré la mort de Jean Girault, un septième Gendarme est envisagé. Richard Balducci imagine notamment plusieurs idées de suites dans la veine science-fiction du cinquième film27,28. Le biographe Bertrand Dicale explique que, bien que Girault soit mort, la série de films pourrait se prolonger autant que Louis de Funès le désire, qu'il serait légitime de tourner autant de nouvelles suites qu'il veut29.

D'autre part, pendant le tournage du Gendarme et les Gendarmettes en mai 1982, il déclarait dans un entretien rêver de reprendre Oscar pour une centaine de représentations avant la fin de l'annéebr,bs. Il expliquait aussi avoir envie d'adapter le roman Les Morticoles de Léon Daudet, dans un film qu'il verrait bien réalisé par Georges Lautner ou Robert Hosseinbs. Également, pendant la postsynchronisation du sixième Gendarme, il avait croisé dans les studios Gérard Oury, qui dirigeait alors celle de L'As des as, et tous deux ont discuté du Crocodile, allant même jusqu'à être tentés de relancer le projetbs. D'autres projets sont évoqués comme un film réalisé par Patrice Leconte, un nouveau film avec Coluche ou encore un film avec la chanteuse Chantal Goyabt,30.

Trois semaines avant sa mort, il vient deux jours à Paris et assiste à une représentation de la pièce Papy fait de la résistance de Christian Clavier et Martin Lamotte au théâtre du Splendid, avec Christian Fechner qui veut en faire un film avec luibs. Le producteur tient à ce qu'il tourne avec de nouveaux jeunes comiques, pour réitérer la réussite qu'avait été L'Aile ou la Cuisse avec Coluchebs. La pièce plaît à l'acteur et il rencontre la troupe après le spectacle pour parler de l'idée de filmbs. Christian Clavier se souvient : « dans le hall du théâtre du Splendid, il nous campe en trois minutes sa version du Feldmarschall Ludwig von Apfelstrudel, complètement cauteleux et les pieds entravés. Je le revois avec son loden vert et ses yeux d'un bleu intense, j'étais fasciné »31. Le second soir, Fechner l'emmène à un spectacle du Grand Orchestre du Splendidbs. Ces deux soirées l'ont rendu heureux selon Fechner, qui pense qu'il a apprécié de rencontrer cette jeune génération qui l'admire et désire travailler avec lui ; il se souvient d'un de Funès « d'une forme éblouissante » et « extraordinairement drôle » ces deux soirsbu. Il donne son accord de principe pour Papy fait de la résistance32, lançant le projet, mais demande à ce que son rôle soit réduit afin de ne pas fatiguer son cœur33.

La tombe de Louis de Funès au Cellier, en 2006.
En janvier 1983, après les vacances scolaires de Noël, il part en famille quelques jours à la montagne, mais l'altitude le fatigue beaucoup, il doit retourner au Cellier. Dans la soirée du 27 janvier 1983, il se couche très fatigué. En réalité victime d'un nouvel infarctus, il est emmené d'urgence en ambulance au Centre hospitalier universitaire de Nantes où il meurt à 20 h 30cit. 2.

Le Parisien libéré et Presse-Océan ont le temps de refaire leur une du lendemain sur la mort de Louis de Funès, probablement averti par un personnel hospitalier, tandis que Libération publie une brève34,bv,n 9. Le lendemain, et le surlendemain pour le reste de la presse, tous les médias font leur une sur ce qui est vécu comme un drame national35. Jeanne de Funès et ses deux enfants ne reçoivent aucune visite, et les gendarmes du Cellier gardent les abords du château de Clermont36. Michel Galabru, très ému, intervient en duplex de Rennes (où il est en tournée) dans le journal Antenne 2 Midi, et parle de son partenaire à l'écran comme d'« un frère », raconte sa drôlerie et le qualifie de « comique national », tout en rappelant sa popularité en dehors des frontières37. Coluche, son partenaire de L'Aile ou la Cuisse, est l'invité de Christine Ockrent dans le journal de 20 heures d'Antenne 238. Le ministre de la Culture Jack Lang lui rend hommage — déclarant que « le plus bel hommage qui sera rendu à Louis de Funès sera celui d'un très grand nombre d'anonymes qu'il continuera, par delà la mort, d'amuser et de divertir »bv —, tout comme l'ancien président Giscard d'Estaing et son épouse38. Georges Marchais adresse, au nom de Parti communiste français, ses condoléances à Jeanne de Funèsbv. Le Premier ministre Pierre Mauroy envoie une longue lettres de condoléances à la famille de Funèsbw.

Bien que les obsèques soient prévues « dans la stricte intimité », plus de 3 000 personnes sont présentes le samedi 29 janvier 1983 dans l'église Saint-Martin du Cellier, bondée, alors que le village du Cellier a moins d'habitantsbx,by. À l'inverse, peu de personnalités ont fait le déplacement, alors que les enterrements de célébrités en rassemblent d'habitude beaucoupbx. Seuls des compagnons de jeu comme Michel Galabru, Jean Carmet39, et Colette Brosset, ainsi que les producteurs Christian Fechner et Gérard Beytout et le compositeur Raymond Lefebvre sont aperçusbx,by. Anne-Aymone Giscard d'Estaing est aussi présente, en remerciement du soutien de l'acteur lors de la campagne de 1981bx,39. Il est inhumé au cimetière du Cellier39, sa tombe orientée vers le jardin de son châteaubx.

La télévision française lui rend hommage en bouleversant ses programmes : TF1 re-diffuse La Zizanie le soir du 30 janvier, Antenne 2 Le Corniaud le 1er février et FR3 annonce la première diffusion de L'Avare pour le mois de marsbv. Les témoignages continuent encore pendant plusieurs jours dans les médiasbx. Le 4 février 1983, l'émission Aujourd’hui la vie est consacrée à Louis de Funès : la présentatrice Nicole André invite notamment Claude Gensac, Marthe Mercadier, Daniel Gélin, Robert Dhéry et Christian Marin pour parler de l'acteur40,41.

Malgré sa mort, Christian Fechner poursuit le projet de Papy fait de la résistance. Le rôle prévu pour Louis de Funès n'était pas encore vraiment fixé, Jean-Marie Poiré expliquant qu'« il est mort alors que nous n'en étions qu'à l'élaboration des personnages, qu'il n'y avait pas deux lignes de dialogue écrites »bt. Les scénaristes envisageaient notamment pour lui, entres autres, le rôle de « Papy » ou celui du demi-frère d'Hitler33,bt. Pour pallier la disparition de l'acteur, Fechner parvient à distribuer tous les rôles à des acteurs connus, en plus de ceux du Splendid, formant ainsi une distribution « all-stars », tels Le Jour le plus long (1962) ou Paris brûle-t-il ? (1966)33, avec de nombreux comédiens ayant tourné avec Louis de Funès comme Michel Galabru, Jacqueline Maillan, Jacques Villeret, Julien Guiomar et Jean Carmetbt. Papy fait de la résistance, sorti en octobre 1983, est un succès avec plus de quatre millions d'entréesbt,33. Le film est dédié à Louis de Funèsbt, car il a permis le lancement du projet33.

Vie privée
Mariages et enfants
Le 27 avril 1936, Louis de Funès épouse à Saint-Étienne sa première femme, Germaine Carroyer (1915-2011)n 10. Un enfant, Daniel (1937-2017), naît de cette union42. Le couple se sépare en août 1939, après trois ans de mariage, mais le divorce n’est prononcé que le 13 novembre 194243.

Échappant à la mobilisation en raison de sa constitution malingre, il enchaîne pendant l'Occupation les petits boulots (étalagiste, cireur et gratteur de parquets…)bz. Bientôt, Louis de Funès se fait engager comme pianiste de bar et rencontre Eddie Barclayn 11 : « Louis de Funès, comme moi, ne déchiffrait pas la musique. Il avait de l'oreille. C'était un excellent musicien. Il ne parlait pas un jour d'être comédienca. » Il joue dans un grand nombre d’établissements, enchaînant des soirées de douze heures, payé à la coupelle ou touchant un cachet de misère44. Le cinéaste Georges Lautner indique : « Je l'ai rencontré en 1942 lorsqu'il était pianiste à la Madeleine. Dans un bistrot à Bagatelle, il tenait le piano à quatre mains. Lorsque ce dernier jouait seul, de Funès montait sur le piano et chantait. »

Il se servira de cette capacité dans certains de ses films, tels que Pas de week-end pour notre amour, La Rue sans loi, Frou-Frou, Le Corniaud, La Grande Vadrouille, Le Grand Restaurant ou encore L'Homme orchestre.

Louis de Funès et son fils Olivier lors du tournage de L'Homme orchestre en 1970.
Louis de Funès se remarie le 20 avril 1943 dans le 9e arrondissement de Paris, avec Jeanne Augustine Barthélemy, dite « Nau de Maupassant » (Nancy, 1er février 1914 - Ballainvilliers, 7 mars 2015), nièce de Charles Nau de Maupassant (sans lien de parenté avec l’écrivain Guy de Maupassant). Le couple habite alors un petit deux-pièces au 42 rue de Maubeuge. Le 27 janvier 1944, naît son deuxième fils, Patrick et, le 11 août 1949, le troisième, Olivier, qui tiendra six rôles aux côtés de son père au cinéma : Fantômas se déchaîne, Le Grand Restaurant, Les Grandes Vacances, L'Homme orchestre, Sur un arbre perché, Hibernatus et un rôle au théâtre dans Oscar.

Jeanne a souvent conseillé son mari dans le choix de ses films, négocié ses cachets, parfois discuté avec ses réalisateurs, créant des exaspérations. Sur le tournage de La Grande Vadrouille, Bourvil serait intervenu pour lui interdire le plateau. C’est elle qui choisit Claude Gensac pour jouer à l’écran l’épouse de Louis de Funès. L’actrice avait dit à propos de Jeanne : « Je pense que seule sa femme pouvait le gérer et le calmer. Elle l’a beaucoup soutenu »45. Néanmoins, il aurait entretenu une liaison régulière avec Macha Béranger durant les treize dernières années de sa vie46,cb.

Selon son biographe Jean-Jacques Jelot-Blanc, « Dans sa vie privée, Louis de Funès n'était pas très drôle. Et ses compagnons de cinéma, acteurs, producteurs, ne l'aimaient pas beaucoup, mais il avait le public avec lui. De Funès était très timide et surtout très économe. Après une journée de tournage, il n'allait pas faire la fête avec les autres, il aimait cultiver ses roses et son potager. Cela s'explique notamment par son succès tardif.[…] Cela lui vaudra beaucoup de mépris de la part de certains acteurs, comme Jean Marais »47.

Convictions religieuses et politiques
Fervent catholiquecc, Louis de Funès est très pratiquant et possède, selon son confesseur, « une foi profonde48 ».

Ses idées politiques sont proches de celles du gaullismecc. Il déclare beaucoup aimer Charles de Gaulle ainsi que Georges Pompidou, et avoir apprécié dans sa jeunesse la CGT et les réformes du Front populaire lorsque ont été accordés les premiers congés payéscd. Plusieurs sources d'extrême droite lui ont prêté des idées royalistes et traditionalistes, mais, s’il admirait le roi Louis XVI — il lui arrive d'assister à la messe annuelle commémorant son exécution —, il n’était apparemment pas royalistecc.

Olivier de Funès raconte qu'en mai 68, son père s'intéresse peu au mouvement social, mais « trouve sympathique que des jeunes manifestent leurs griefs à l'égard des hommes politiques », qu'il n'apprécie pas ; il est en revanche effrayé par « la chasse aux sorcières qui se profile », « n'admet pas que des professeurs d'université, des journalistes ou même des patrons d'entreprise paient les pots cassés », fait souvent référence à la Terreur, et se moque de certains tribuns de la contestationce. Il a plus tard un regard amer sur les évènements : « Ça m'a flanqué un coup, mai 68. On a voulu tout transformer, tout libérer, redevenir jeune »cf.

Pour Louis de Funès, les grèves et révoltes de mai 68 se traduisent par l'arrêt progressif du tournage du film Le Gendarme se mariecg. Alors que, par solidarité avec les autres grévistes français, les techniciens se retirent peu à peu, l'acteur continue pourtant de se présenter au maquillage chaque jour, pour marquer son opposition, n'étant préoccupé que par son filmch,cg. Le Syndicat français des acteurs l'enjoint de faire grèvecg. La plupart des tournages en France, français ou étrangers, sont déjà interrompus, paralysés par les grèves ou par les pénuries d'essence. Ne parvenant pas à le convaincre d'arrêter le travail, Jean Girault fait appel à Daniel Gélin, alors en vacances à Saint-Tropezcg. Cet acteur, ami de Louis de Funès, lui fait remarquer que l'ensemble de l'équipe technique du film est de toute façon déjà à l'arrêt, qu'il se couvre de ridicule, et qu'il est possible que la gauche arrive au pouvoir en l'absence du général de Gaulle : « Si la gauche prend le pouvoir, ce sera comme l'épuration. Tu t'en souviens… Et tu seras montré du doigt ! »cg. Louis de Funès cesse de travailler le 24 maicg. Jean Girault a raconté que l'acteur, très inquiet, lui avait révélé l'emplacement d'un coffre contenant une grosse somme d’argent qu'il aurait enterré dans les jardins de son château, et qu'il lui demandait de remettre à sa femme et ses enfants au cas où cette révolte lui coûtait la vie ; une fois l'ordre revenu et les transports rétablis, l'acteur est retourné un week-end au Cellier et a déplacé son trésorch. Le tournage du Gendarme se marie ne reprend que le 6 juin, après un vote à bulletins secrets de l'équipeci.

Malgré ses opinions, il a des rapports cordiaux avec des personnalités de gauche. Lors du tournage de La Folie des grandeurs, l'acteur s'entend parfaitement avec Yves Montand mais évite le sujet politique, Patrick de Funès expliquant que « Montand était obnubilé par une rhétorique socialo-communiste hermétique au commun des mortels : « Le pire, c'est qu'il est sincère, il y croit à ses histoires, disait mon père. C'est vraiment casse-bonbons ». »cj. Durant son long séjour à l'hôpital après son double infarctus en 1975, Louis de Funès écrit ou converse longuement au téléphone avec Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste français, lui aussi victime d'un infarctus la même annéeaz,bw. Néanmoins, Michael Lonsdale raconte que sur le tournage d'Hibernatus en 1969, Jeanne de Funès cherchait à connaître les opinions politiques de tous les membres de l'équipe pour s'assurer qu'il n'y ait pas de gens d'extrême gauche, de communistes49,50,51.

Louis de Funès n'affiche pas publiquement ses opinions, jugeant qu'un acteur ne doit pas s'engager politiquement ; mais en 1981ck, alors que la droite semble sur le point de perdre le pouvoir, il apporte pour la première fois son soutien à un homme politiquecl,ch. Avec des artistes comme Brigitte Bardot et Alain Delon, il fait ainsi partie des acteurs appelant à voter pour Valéry Giscard d'Estaing lors de l'élection présidentielle52,n 12. Il participe notamment à une réunion publique pour la réélection du président pendant l'entre-deux tours, le 3 mai 1981, sous le chapiteau de la porte de Pantincm. Selon Patrick de Funès, il aurait soutenu Giscard pour s'attirer les bonnes faveurs de Marcel Dassault pour la carrière de pilote de son fils Olivier, qui ne trouvait alors pas de travail, mais avait fait là une erreur puisque l'avionneur était le soutien de Jacques Chirac54. Bien que n'appréciant pas le nouveau président socialiste, François Mitterrand, qu'il trouve dédaigneuxbw, il est ému par l'abolition de la peine de mortcl.


   
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